5 octobre 1921 : l’accident du tunnel des Batignolles

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Le drame a secoué toute la France faisant la Une de toute la presse qui multiplie les éditions spéciales : le 5 octobre 1921, à 17h48, deux trains de voyageurs se percutent sous le tunnel des Batignolles à un peu plus de 300 m de la Gare Saint-Lazare faisant 28 morts et des dizaines de blessés. L’accident sonne le glas de ce tunnel de 330 m de long dont la démolition était envisagée pour faire face à l’augmentation du trafic. Deux semaines plus tard, les travaux commencent.

 

C’était pourtant un bel ouvrage que ce chemin de fer de Paris à Saint- Germain, première ligne en France dédiée au transport de voyageurs. Conçue par les frères Jacob et Isaac Pereire en 1832, elle fut inaugurée le 24 août 1837 après deux années de travaux. Pourtant, les détracteurs ne manquèrent pas. Adolphe Thiers, président du Conseil en 1836, était contre cette ligne. Il aurait dit : « Un chemin de fer de Paris à Saint-Germain, c’est un jouet qui amusera les Parisiens, c’est tout. »

D’autres détracteurs mettaient en avant le côté dangereux et malsain de ce mode de transport qui connaîtra pourtant un succès extraordinaire avec 20 000 km de lignes locales et 40 000 km de lignes nationales en 1914.

C’est sur la foi de ces déclarations qu’il fut interdit au roi Louis-Philippe Ier d’inaugurer l’embarcadère de Saint-Germain le 24 août 1837, le roi ne devant pas risquer sa vie en ces circonstances. Ce fut donc la reine Marie Amélie qui fit le voyage inaugural de 18 km en 25 minutes dans une liesse populaire. Ouverte au public le surlendemain, elle transporte 18 000 personnes le premier jour.

Financés par les Frères Pereire, banquiers et entrepreneurs, les travaux furent rondement menés. Peu d’ouvrages d’art : trois ponts sur la Seine et ce fameux tunnel des Batignolles de 330 mètres de long. Le temps moyen s’établissait alors à 45 minutes, gros progrès quand une voiture à cheval, on disait un coucou, mettait cinq à six heures pour aller des Tuileries à Saint-Germain. 

En fait jusqu’en 1843, le train s’arrêta au Pecq, au pied de la rude rampe menant à la place du château de Saint-Germain que la locomotive d’alors ne pouvait grimper.

Précisons que les trains partaient de ce qui devint plus tard la place de l’Europe où avait été construit un « embarcadère ».  Ce n’est qu’en 1843 que fut aménagé un nouvel embarcadère, 300 mètres plus au sud, rue Saint-Lazare, terminus des trains de Rouen. Dès lors, le nombre de voies ne fit qu’augmenter.

 

 

Deux trains de banlieue et un réservoir de gaz

Le 5 octobre 1921 à 17h48, le train de banlieue n° 333 quitte la gare Saint-Lazare en direction de Versailles. Comme tous les jours, ses vingt et un wagons, de modèle ancien à caisse en bois, dont certains à impériale, sont bondés de passagers qui rentrent chez eux après leur journée de travail. Le convoi est entièrement engagé dans les 330 mètres du tunnel des Batignolles quand, soudain, le déclenchement inopiné du frein automatique bloque la rame. Après être descendus sur la voie, le mécanicien, son chauffeur et le chef de train constatent que c'est la rupture du boyau d'air comprimé reliant les cinquième et sixième voitures qui a causé la panne et s'apprêtent à réparer sur place en changeant la pièce, lorsque à 18h12 survient sur la même voie à environ 30 km/h le train n° 253, reliant les gares Saint-Lazare et des Invalides par la ligne des Moulineaux 2, parti à 17h52, et dont le mécanicien, gêné par la fumée, n'aperçoit qu'au dernier moment les lanternes rouges du convoi arrêté.

Malgré un freinage d'urgence, la locomotive, d'un poids de 85 tonnes, percute les derniers wagons du train à l'arrêt, écrase son fourgon de queue, rejette sur le côté deux voitures après les avoir disloquées, puis s'arrête en escaladant un amas de débris.

Dans le choc, un réservoir de gaz d'éclairage a été percé et s'enflamme, déclenchant un incendie qui se propage rapidement le long des voitures des deux convois. Aveuglés et asphyxiés par la fumée, les voyageurs indemnes et les blessés valides s'efforcent d'évacuer le tunnel, non éclairé, par ses portails ou par les regards communiquant de place en place avec les deux tunnels voisins. Les premiers sauveteurs à leur prêter assistance sont les cheminots accourus depuis la gare Saint-Lazare, et, à l'autre bout, les passagers d'un train venant de Colombes, que son mécanicien a arrêté à la vue de l'incendie.

 

 

Rapidement, les pompiers de la rue Blanche sont sur place, rejoints ensuite par ceux de quatre autres casernes. Des tuyaux sont déployés dans les tunnels pour attaquer directement le sinistre, d'autres, depuis la rue de Rome qui surplombent les voies, arrosent les voitures en feu. En effet, le mécanicien et le chef de train du 333 sont parvenus à sortir du tunnel le fourgon de tête et les quatre premiers wagons en débloquant leurs freins, et côté gare, une machine de manœuvre a dégagé à l'air libre une dizaine de voitures du 253.

On déplore plus 28 morts et des dizaines de blessés. Relayée par toute la presse nationale et régionale, l’émotion est extraordinaire.

 

 

Supprimer « le goulot des Batignolles »

Au début du XXe siècle, il reste un seul obstacle à la bonne circulation des 1 200 trains quotidiens du réseau de l’Ouest-état qui transportent plus de 61 millions de voyageurs en 1910 : le « goulot des Batignolles » dont la suppression était envisagée dès avant la Première Guerre Mondiale.  En 1913, des travaux avaient été entamés, mis en sommeil par la mobilisation de 1914. Après la guerre, le principe de la démolition est acté mais d'autres priorités repoussent le chantier à 1922. Elle ne sera donc réalisée qu’à la suite de la catastrophe du 5 octobre 1921.  

 

 

Ainsi, seront annoncés simultanément l'installation de l'éclairage du tunnel et les premiers coups de pioche de sa démolition.

Le 17 octobre, douze jours après l’accident, on entreprend les travaux de démolition sans interrompre la circulation des 700 trains quotidiens. Ils durent plus de deux ans et obligent à raser des immeubles y compris le dépôt d’omnibus et la caserne de pompiers.

L’aménagement de la tranchée se fait en plusieurs étapes : on construit des murs latéraux en fouille le long de la rue Boursault, puis on enlève perpendiculairement à la voie 200 000 m3 de terre grâce à une pelle à vapeur qui ôtait 2 m3 à la fois et chargeait un camion en cinq minutes, lequel remontait une rampe assez raide reliant la tranchée à la rue La Condamine et gagnait la plaine de Gennevilliers pour décharger ; on cintre chaque tunnel avec des poutrelles métalliques et des madriers descendus par une cheminée d’aération dont le montage oblige à interrompre alternativement la circulation des trains dans les deux galeries proches de la rue Boursault, afin d’enlever les maçonneries au marteau pneumatique sans provoquer d’effondrement ; on lance des ponts métalliques au-dessus de la tranchée pour assurer la continuité de la circulation dans les rues des Dames et La Condamine, plus un pont-tunnel pour la ligne de métro n° 2, l’aqueduc et le boulevard des Batignolles.

 

 

L’entrepreneur Combe fut chargé des travaux de démolition et terrassement y compris sous le boulevard où la circulation des tramways et du métro ne devait pas être perturbée. Ce dernier chantier obligea à détourner les caniveaux, égouts, câbles électriques et téléphoniques, canalisations d’eau, gaz et air comprimé, puis à « enfermer la voie du métro dans une carapace suspendue et établir une armature métallique, premier élément d’un pont devant supporter définitivement la chaussée du boulevard ».

La traversée du nord-ouest de Paris par les chemins de fer du réseau Saint-Lazare prenait son aspect pratiquement définitif.

 

Patrick Rollot

Président de l’association Histoire & Patrimoine de Paris XVIIe

Date de publication : 
8 décembre 2024