Avenue de Clichy : une offre commerciale dense et à dominante non-alimentaire

Une offre en fruits et légumes limitée à deux enseignes

Entre la place de Clichy et la porte de Clichy, les magasins se succèdent  (près de deux points de vente par immeuble) et les enseignes valsent. Pour le pire parfois, mais aussi, depuis quelque temps – mais encore trop peu malheureusement – pour le meilleur. Voici un panorama de ce que l’avenue offre aux habitants du quartier, à ceux qui y travaillent et à une clientèle de passage. L’alimentaire (magasins et restauration) représente un tiers de l’offre alors que les pas de porte en réfection ou en déshérence totalisent près d’un magasin sur 10, soit un peu moins  que la moyenne parisienne…

 

 

 

L’avenue de Clichy est depuis longtemps une avenue commerçante. Pendant toute la première moitié du XXe siècle, elle a aussi été un lieu de plaisir et de loisir. Les magasins haut de gamme se disputaient une clientèle qui venait même du centre de Paris. Depuis une trentaine d’années, l’avenue s’est paupérisée. Magasins et restaurants  (disons plutôt « lieux où on mange ») bas de gamme se sont multipliés et les flux se sont inversés. Les chalands viennent plutôt de l’extérieur de Paris, séduits par les vitrines qui affichent (de façon agressive) des prix bas pour des produits de qualité très moyenne et les enseignes de vêtements dégriffés. Lors de la fondation de Déclic 17/18, en 1995, l’avenue était gangrenée par les étalages, la plupart illégaux, et les friperies tenaient le haut du pavé. La signature, en 2016, de la Charte de qualité des commerces entre la place et La Fourche, portée par notre association, a remis un peu d’ordre dans cette portion de l’avenue, aidée en cela par la réfection totale de la chaussée et des trottoirs qui a suivi en 2013 celle de la place. Même si des avancées sont récemment intervenues (l’ouverture d’un hôtel haut de gamme au numéro 15 en est un des exemples), il faut admettre que les travaux de voirie n’ont pas été suffisants pour inverser la tendance et faire remonter l’avenue en gamme. La mairie du XVIIe a récemment adopté un vœu demandant à ce que cette Charte de qualité soit étendue à l’ensemble de l’avenue. Sera-t-elle de mesure à redynamiser l’offre et la réorienter vers la clientèle locale qui a considérablement changé alors que la Charte n’est actuellement pas respectée par nombre des commerces de la partie de l’avenue où elle devrait s’appliquer ?

 

Des enseignes pimpantes noyées dans une offre terne

Si certaines enseignes au look actuel et à la propreté étincelante se sont récemment implantées, le constat est amer : la plupart des vitrines montrent un aspect négligé et souffrent d’un manque de modernité voire de la plus élémentaire propreté. Quantité de caissons, aux couleurs souvent défraîchies et à l’entretien épisodique, des auvents sales et abîmés, jurent avec des façades d’immeubles dont certains sont de magnifiques réalisations haussmanniennes qui mériteraient mieux. Le chaland qui ne lève pas les yeux ne garde de son cheminement que la vision d’une successions de couleurs criardes et d’un kaléidoscope qui tranche avec la belle unité que l’on peut voir ailleurs dans le quartier (rue Legendre ou certaines portions de la rue Lemercier par exemple).

 

 

Une offre majoritairement non alimentaire

Près de 300 magasins se succèdent sur l’avenue (297 exactement) entre la porte et la place. Près de 10 % des pas de porte (27) sont fermés, en réfection pour travaux quand ils ne sont pas purement et simplement en déshérence, parfois depuis plusieurs années, montrant alors une façade déprimante. Avec 174 emplacements (55,6 % du total), le non-alimentaire domine. Les magasins se partagent presque en parts égales entre les points de vente purs (vêtements, téléphonie, bazars) et ceux consacrés au service (serrureries, magasins de réparation de cycles, espaces de santé, banques, massages, ongleries, bien-être). Parmi ces derniers (85 magasins, soit 28 % du total), 30 % sont liés à la santé (optique, audition, centre dentaire, radiologie, laboratoire d’analyse biologique…), une tendance récente et qui pose question quant à leur modèle économique. Certains semblent déjà fermés.

Récemment, trois enseignes consacrées aux cycles se sont installées (les trois entre la place et La Fourche), en lien avec le développement de la petite reine. Cinq agences immobilières se partagent l’avenue, plutôt implantées dans sa partie sud. A noter près de la porte, une station-service et un espace de réparation automobile.

16 % des enseignes (14 points de vente) sont des banques ou des officines de transfert d’argent. On trouve également six laveries automatiques ou pressing. Dans la dernière période, plusieurs magasins de coiffure ont ouvert aux enseignes très globish de « Barber shop ». Plus souvent criardes qu’élégantes malheureusement ! Et leur nombre ne cesse de croître…

Les magasins de vente de produits non alimentaires sont dominés par les vêtements (chaussures, vêtements de sport, mode homme et femme, dégriffés, ethniques, en solde ou de deuxième main). Un magasin sur trois (33 %) s’y consacre. Un magasin sur 4 de ce secteur (20 sur 80) est un magasin de téléphonie, dédié à, le plus souvent, à la vente d’accessoires à des prix modérés. Les points de vente sont minuscules et les vitrines agressives voire occultées (ce qui est illégal) par des vitrophanies colorées. A noter : un magasin de dépôt vente Cash Converter, une librairie islamique récemment ouverte, une officine qui offre des traductions de l’arabe au français (et inversement), une enseigne funéraire a priori marocaine, un magasin de fleurs et un vendeur de cigarettes électroniques.

 

 

Sept points de vente de produits de maroquinerie et bagages utilisent le trottoir (heureusement large en ces endroits) comme lieux d’exposition. Une question se pose : la Charte de qualité interdit les étalages sur le trottoirs, interdiction respectée dans l’ensemble. Son extension à la totalité de l’avenue impliquera-t-elle la fin de l’occupation du domaine public aussi au nord de La Fourche ? Nous le souhaitons.

Parmi les bazars, promotion « Envie de tout » au numéro 111 et « Juste prix » au numéro 41 voient leurs vitrines complètement occultées par des produits exposés, en infraction avec la législation sur les vitrines…

Enfin, l’avenue dispose de deux cinémas et de deux boîtes de nuit dont l’une (au 1 avenue de Clichy) semble aujourd’hui fermée et une grande surface non alimentaire (Gifi au numéro 76).

 

La restauration domine dans l’alimentaire

Si l’alimentaire (97 pas de porte) représente un tiers du total des points de vente de l’avenue, l’offre est dominée par les bars, restaurants, brasseries etc. (52). Les kebabs sont au nombre de 21 soit près de 40 % des « restaurants ».

Seuls quelques bars/restaurants affichent le look « traditionnel » : de la place de Clichy, il faut descendre jusqu’à Brochant pour trouver un café où on ait envie de s’attabler. Quant aux autres, ils font la promotion des pizzas, des couscous, des kebabs, de la cuisine asiatique (plusieurs traiteurs) ou pakistanaise. Bon nombre ont installé quelques tables sur les trottoirs sans que l’autorisation de terrasse figure sur la vitrine (ou alors elle est bien cachée…). Plusieurs d’entre eux disposent d’une terrasse permanente « en dur » qui préempte une partie du trottoir. Leur vitrine est constellée de vitrophanies, fournies sans doute par les grossistes.

Et que dire des caissons agressifs ou des enseignes lumineuses perpendiculaires aux murs !

 

 

Alimentation en libre-service : enseignes nationales et mini supérettes !

Douze magasins d’alimentation en libre-service – dont certains occupent de très petites surfaces – ont pignon sur rue. Plusieurs grandes surfaces appartenant à des enseignes nationales proposent un mix alimentaire et non alimentaire (Super U, Intermarché ou Monoprix par exemple). Un magasin sur quatre de cette catégorie est une boulangerie (8 points de vente), souvent au coin des rues, même si certaines semblent dans une forme toute relative. Plusieurs proposent des pâtisseries orientales en complément de l’offre classique. Certaines font de la petite restauration – essentiellement des sandwiches ou des petits déjeuners – une aubaine pour les touristes logés dans les hôtels ?

 

 

Les trois boucheries installent des rôtisseries sur le trottoir (c’est interdit !) et certaines revendiquent une offre halal. Deux grandes surfaces se consacrent aux produits bio, deux magasins vendent des surgelés, deux magasins proposent uniquement des fruits et légumes et une brûlerie de café diffuse une très bonne odeur de café fraîchement torréfié dans la portion de l’avenue située immédiatement au sud de la rue des Moines. Le fromager/crémerie installé au n° 21 est le seul de son espèce sur l’avenue.

Un Point Relais (au numéro 52) permet de bénéficier de l’offre d’hypermarchés encore interdits d’installation dans l’enceinte de Paris en commandant sur Internet et en se faisant livrer depuis la proche banlieue.

Seuls 7 bars et 5 cafés/tabac/ PMU se sont implantés durablement. Les PMU ne sont pas les mieux tenus… A une exception près, les consommateurs ne stationnent pas bruyamment sur le  trottoir jusqu’à une heure avancée de la nuit, occasionnant ici une gêne importante pour les riverains. Sans que la police municipale – dont c’est pourtant l’une des missions – intervienne efficacement !

 

Une relative stabilité de l’appareil commercial qui contraste avec l’évolution des rues voisines

Excepté quelques mouvements de fond comme l’arrivée des enseignes du secteur de la santé ou les réparateurs de cycles, l’offre est restée relativement stable ces dernières décennies. Des magasins ne cessent de changer d’enseigne mais, souvent, pour rester dans le même secteur d’activité. Tel restaurant va fermer ses portes, remplacé assez vite par un autre qui passera la main quelques mois plus tard. Tel magasin de « mode homme/femme » change de propriétaire, est refait (pas de façon très heureuse le plus souvent) et ouvre avec une offre similaire.

Quelques exceptions cependant : l’arrivée d’une boutique de produits de fitness qui succède à un magasin de vêtements, un magasin de cycles qui remplace une officine de restauration rapide, un bazar/livres remplacé par un établissement de santé, une agence immobilière qui occupe les locaux d’un magasin « à l’américaine » proposant tee-shirts et casquettes !

En revanche, mais ceci explique peut-être cela, les magasins situés dans les rues voisines de l’avenue de Clichy ont davantage évolué, ciblant une clientèle bien différente. Ainsi, la rue des Dames à l’ouest du croisement Lemercier–Biot, a muté vers une « rue de la soif », dans la continuité de la rue Biot. La plupart des magasins d’alimentation ou de services qui y étaient installés depuis des décennies ont fermé, remplacés par des bars ou des restaurants, hégémoniques jusqu’à la rue Nollet. Cette partie de la rue des Dames rejoint la rue Biot, avec son cortège d’attroupements nocturnes  sur des trottoirs très étroits : règne du tapage et tant pis pour les habitants, ils n’ont qu’à aller vivre ailleurs. Du Marais à la Butte aux Cailles, l’expérience montre qu’une fois installé après avoir évincé les commerces de proximité qui ne peuvent « suivre » la hausse des loyers commerciaux, le monde bistrotier règne définitivement. « Paris aime la fête ! », serine la Mairie de Paris.

 

L’influence de la réfection de la porte de Clichy et du tramway reste peu sensible

La rue Legendre, dans sa partie ouest entre la rue Lemercier et la place félix Lobligeois, a connu une mutation profonde et a évolué vers une offre centrée sur la maison, des restaurants plus « haut de gamme », de la décoration ou des boutiques de vêtements chic. Nul doute que cette évolution n’est pas sans incidence sur les loyers commerciaux

L’offre alimentaire très riche et de qualité qui existe sur la rue des Moines entre l’avenue et la rue Nollet (avec le marché des Batignolles) explique probablement la faiblesse qualitative de l’offre alimentaire que l’on trouve sur l’avenue elle-même dans ce secteur.

Reste à observer l’incidence de la réfection de la porte de Clichy, avec l’arrivée du tramway, la construction du tribunal de Paris et de la Maison des avocats, les hôtels de chaîne. Ainsi que l’installation de la ZAC des Batignolles autour du Parc Martin-Luther King. Si la partie ouest du Parc a connu un développement spectaculaire, les retombées sur le nord de l’avenue de Clichy ne sont pas très sensibles. A quelques exceptions près comme Vini Monte, au pied d’un immeuble neuf au 167, à côté de Quebecium, le Bistrot romain au 181 dans des immeubles de la ZAC ou, porte de Clichy, la récente rénovation du Café de l’Industrie, certes en face  d’un Burger King… Mais l’histoire reste peut-être encore à écrire !

Enquête effectuée par Philippe Limousin, Ignace Manca et Anne Taburet

 

Date de publication : 
9 juillet 2024