Cimetière Montmartre, quand l’entrée rue Ganneron rouvrira-t-elle ?

Fermée depuis avril 2022, deux mois seulement après sa mise en service, la porte de la rue Ganneron doit rouvrir comme le demandent les adhérents de déCLIC 17/18 et les habitants ! Pour ce faire, la mairie du XVIIIe doit, très vite, vaincre les réticences de la mairie de Paris.

 

Il y avait si longtemps qu’on en parlait… On ne remontera pas au beau projet d’architecte de 1912 d’ouverture d’une entrée monumentale à l’endroit précis que déCLIC 17/18 a repéré, un siècle plus tard, avant de relancer cette belle idée.

Pendant une dizaine d’années notre association a interpelé les élus du XVIIIe et de la mairie de Paris. En février 2020, Eric Lejoindre, maire sortant du XVIIIe, reconduit en juin 2020, s’engageait : « Cette entrée supplémentaire qui permettra aux habitants du quartier et à des visiteurs curieux de traverser le cimetière, nous la ferons dès le début de la mandature. »

De fait, en février 2022, l’entrée rue Ganneron est livrée. Elle avait le mérite d’exister. Nous saluâmes cette réalisation (1).

Las, à peine deux mois plus tard, en avril 2022, cette porte était fermée. Elle n’a pas été rouverte depuis. C’est peu dire que nous avons tonné contre ce blocage à nos yeux totalement injustifié (voir notre article dans le Journal n°40 automne-hiver 2021 pages 5).

A maintes reprises, nous alertons les élus du XVIIIe, particulièrement Gilles Ménède, adjoint aux espaces verts et funéraires. Apparemment consterné par cette décision de la mairie de Paris, il nous répondait régulièrement, sans nous apporter hélas les bonnes nouvelles que nous attendions.

Un courrier à Gilles Ménède

Voici le courrier que nous lui avons adressé le 23 octobre ainsi qu’à Eric Lejoindre et quelques adjoints.

 « A la mi-juin dernier Il y a presque six mois, vous nous adressiez un message optimiste : la municipalité serait pleinement engagée pour la réouverture de la porte Ganneron du Cimetière Montmartre. Avons-nous cru à cet engagement ? Constatons qu’il n’a pas été suivi de résultats !   

Pendant dix ans, déCLIC 17/18, avec d’autres, demanda l’ouverture de cette entrée qui avait été étudiée en 1912… A l’occasion de la campagne des élections municipales, en février 2020, Eric Lejoindre s’engageait : cette porte sera ouverte rapidement.

« Elle le fut en février 2022, certes a minima : une porte en fer de 0,96 m de large : on est bien loin des plans de 1912. Mais la réalisation était plutôt de qualité, surtout vue de l’intérieur du cimetière. Et, enfin, des habitants du quartier, des touristes aussi, pouvaient traverser le cimetière, apprécier le calme du lieu, la qualité de la statuaire…

« Cela dura deux mois ! La porte fut fermée, d’abord « jusqu’à nouvel ordre » : ne circulez pas y a rien à voir ! Puis engagement de « tout mettre en œuvre dans les meilleurs délais ».

Tout mettre en œuvre, vraiment ? Quelle efficacité !

« Furent évoquées « de multiples agressions ». De quel ordre, ces agressions ? Par où étaient entrés puis ressortis les agresseurs ? Lors d’un entretien téléphonique au printemps dernier, nous avons lancé l’idée d’une vidéo-surveillance. Nous n’avions guère de mérite, tant cela parait évident. Cela serait compliqué, avez-vous répondu.

« Compliqué, une vidéo-surveillance alors que le moindre magasin, le petit épicier du coin, en est équipé depuis longtemps ? Alors que nos téléphones portables « bornent » en permanence, permettant de repérer le moindre de nos déplacements. Pour ne rien dire des transports publics.

La difficulté alléguée ne viendrait-elle pas plutôt des réticences de certains élus de votre coalition, comme on peut le constater dans quelques grandes villes qu’ils gèrent ? Pendant ce temps, les habitants du quartier et les touristes trouvent porte close. Ah, les meilleurs délais !

« Jusqu’à quand, la ville de Paris et la mairie d’arrondissement vont-elles se ridiculiser ? Veut-on, à Paris aussi, comme à Bordeaux, « écœurer les habitants » ?

« Nous n’ignorons pas non plus que certains personnels du cimetière étaient opposés à l’ouverture de cette entrée rue Ganneron, contre la décision de la Ville, tenant à l’occasion des discours du type « cette porte ne se fera jamais », « cette porte a été ouverte pour que les bobos du secteur puissent aller à Pigalle… » La question se pose : qui décide ? Quel crédit accorder à la Direction des affaires funéraires, à la Ville ?

« Nous avons évoqué cette situation dans le n° 40 du Journal de déclic 17/18 printemps-été 2022, pages 5, diffusé début juin. Ce Journal, largement distribué dans le secteur, est consultable sur notre site www.declic1718.org.

« Nous n’imaginions pas alors que, fin octobre, rien n’aurait changé. Quelle image de l’action publique est donnée aux citoyens ! Interrogez les gens du quartier, à l’occasion d’un préau d’école par exemple.

« C’est consternant. Qui est responsable ? Qui rend des comptes ? »

Une mobilisation sans failles de la mairie du XVIIIe

Gilles Ménède nous répondit dès le 25 octobre. Interpelé par notre message, il ne semblait pas mécontent du ton un peu vif de notre missive qui mettait en cause les élus, particulièrement ceux du XVIIIe, et lui-même.

A l’entendre, la mairie du XVIIIe n’a pas un mot à changer à ce qu’il nous écrivait déjà le 11 mai : la mairie d’arrondissement est pleinement mobilisée pour obtenir la réouverture etc. Selon lui, la décision serait prise ailleurs, par le Service des cimetières et la Ville de Paris, particulièrement Paul Simondon élu du Xe, adjoint d’Anne Hidalgo aux Finances et Affaires funéraires (on n’est pas forcé de rire). Et, toujours selon Gilles Ménède, Eric Lejoindre ré-interroge régulièrement Simondon, sans résultat : c’est tout le problème de la relation de la mairie de Paris avec les syndicats qui, dit-il, sont hostiles à la réouverture de la porte Ganneron comme ils étaient hostiles à son ouverture…

Gilles Ménède ajoute : après les quelques agressions perpétrées à l’intérieur du cimetière, fermer l’entrée Ganneron n’était pas la meilleure idée. Il constate que, à l’instar de déCLIC 17/18, les gens qu’il rencontre sont tous favorables à la réouverture rapide de cette entrée.

S’il a, hélas, raison à propos de l’hostilité des gardiens (il ne connaît pas leur nombre précis : une dizaine de gardiens, forcément en sous-effectif, ne sait rien d’un éventuel absentéisme), il se trompe sans doute quand il parle d’une hostilité de la Direction des cimetières.

 

Un site classé

C’est en effet ce même service qui, il y a quelques années, s’était démené pour faire classer le cimetière Montmartre après une assez longue enquête, notamment auprès des riverains. On imagine mal les mêmes, ou leurs successeurs, restreignant l’accès de visiteurs d’un lieu qu’ils ont contribué à valoriser.

On se souvient d’avoir été interpelés à la Toussaint 2019 au cimetière Montmartre, comme d’autres visiteurs, par un monsieur à l’apparence d’un assez haut fonctionnaire municipal, enquêtant sur le souhait des visiteurs de voir aménagée rapidement une entrée supplémentaire au cimetière : ce ne pouvait être que rue Ganneron. Lui y était tout à fait favorable, reportant les réponses des uns et des autres sur une ardoise électronique. Sans doute voulait-il conforter la décision annoncée, conscient déjà des réticences des gardiens.

Lors de cet entretien avec Gilles Ménède, nous avons lancé l’idée d’une pétition, qui sembla lui convenir. Sans doute n’avait-il pas osé le suggérer lui-même.

On peut croire à sa bonne foi, ainsi qu’à celle des élus du XVIIIe, se sentant sans doute désavoués par la mairie de Paris qui a peur des syndicats.

Il faut mobiliser les acteurs pour faire savoir que les riverains sont totalement POUR la réouverture. C’est mot à mot du Gilles Ménède. Pour autant, il n’envisage pas de mener une guérilla contre la funeste décision de la mairie de Paris et son manque de courage face aux démarches des syndicats dans ce qu’elles peuvent avoir d'excessif.

On a là un exemple édifiant des contradictions du monde politique. Des élus d’un arrondissement - qui, eux, connaissent bien la question - n’osent pas s’opposer aux élus de la majorité municipale dont ils font partie, alors qu’ils savent que, dans ce domaine au moins, l’Hôtel de Ville a tort.

Nous estimons qu’un élu d’arrondissement est là aussi pour porter la parole des habitants du secteur, de tous les habitants. Il faut mobiliser les acteurs, préconise un élu du XVIIIe, mobiliser donc contre les décisions malencontreuses de l’Hôtel de Ville. Mais quand on appartient à la même majorité municipale, au même parti, on hésite, on attend que ce soient les habitants qui se mobilisent : de la contradiction aux contorsions.

Au-delà des connivences partisanes, Il est grand temps pour les élus du XVIIIe de « se mouiller » pour la réouverture de la porte de la rue Ganneron !

Philippe Limousin

 

Une histoire qui vient de loin

Fin 2013, l’APUR Atelier parisien d’urbanisme a publié une étude remarquable présentée en 2 tomes de 50 et 60 pages. Sur internet, on en prendra connaissance aisément : Cimetière Montmartre étude APUR (2). La nécessité d’ouvrir des entrées supplémentaires y est affirmée. Un des lieux préconisés est précisément rue Ganneron. Voici un extrait de la page 59.

« Le cimetière Montmartre fonctionne comme un parc et comme un lieu de promenade pour ses riverains. Pourtant, ils contournent le cimetière en longeant l’imposant linéaire de murs qui le délimite  comme si cet espace leur était interdit. Son rôle d’équipement de proximité et le fait qu’il soit visité comme un musée engagent désormais à créer plusieurs entrées entré à l’instar des autres cimetières parisiens intra-muros.

« Préconisations : créer un nouvel accès rue Ganneron pour améliorer le confort de vie des habitants (cf. projet de 1910 en annexe). Le dénivelé entre l’intérieur et l’extérieur du cimetière à ce niveau semble aisément surmontable. De plus, le tracé du cimetière présente un chemin approprié dans la prolongation de l’avenue Samson. Cette nouvelle ouverture permettra de relier le quartier de la Fourche à celui de la Place de Clichy par un itinéraire patrimonial bordé de tombes remarquables ».

Au même moment, le Conseil de quartier Clichy-Grandes Carrières demande expressément l’ouverture de cette entrée rue Ganneron. Le vœu est présenté en Conseil d’arrondissement du XVIIIe puis en Conseil de Paris le 10 février 2014 sous l’égide de Danielle Fournier élue EELV dans le XVIIIe. Ce vœu est adopté à l’unanimité des élus !

Après cela, allez comprendre les blocages de la mairie de Paris, les hésitations de la mairie du XVIIIe !

 

(1) On consultera l’article en pages 8 et 9 du Journal de déCLIC 17/18 n° 39 automne-hiver 2021 consultable aussi sur notre site www.declic1718.org.

 

(2) https://www.apur.org/fr/nos-travaux/etude-renforcement-protection-paysagere-patrimoniale-cimetiere-montmartre

Date de publication : 
4 janvier 2023