Effacer Voltaire ?

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En août 2020, la mairie de Paris faisait retirer la statue une statue de Voltaire installée rue de Seine dans le petit square Honoré Champion, pelouse plantée de 400 m2 inaccessible au public, derrière l’Institut de France siège des cinq académies, à 200 m du quai Voltaire. Il le fallait, cette statue avait été vandalisée.

 

Cette statue de pierre, Voltaire jeune, avait connu bien des aléas. Commandée en 1945 à Léon-Ernest Drivier pour remplacer un Voltaire en bronze de Joseph-Michel Caillé installé en1882 pour le centenaire de la mort du philosophe, fondue en 1942, elle ne fut installée qu’en 1962 comme si on ne savait où la mettre. Pour l’occasion, un buste de Montesquieu par Félix Lecomte fut installé dans le même petit square.

 

 

Las, le mauvais sort s’acharne. En juin 2022, la statue fut vandalisée : inscriptions de haut en bas à la peinture rouge, NTM et Voltaire fuck. On évitera de traduire. Marie-Marguerite d’Aumont, fille d’un greffier criminel au Parlement, épouse de François Arouet et mère de François-Marie Arouet dit Voltaire semble pourtant avoir été une personne de qualité. Mais, pour les vandales, ce n’est pas ce qui importait. Voltaire ne fut pas alors leur seule victime. Dans la foulée sans doute du mouvement « Black lives matter », la statue de Colbert installée sur la façade de l’Assemblée nationale fut aspergée de peinture rouge, comme celle de Faidherbe à Lille : « colon, assassin » ou de Galliéni devant les Invalides, jusqu’à un buste de Charles de Gaulle à Hautmont stigmatisé « esclavagiste », même cible, même modus operandi à Pavillon-sous- Bois. Ces gens avaient tout compris… Une «négation» de l'Histoire

Une dégradation qui fit réagir « Revisiter l'Histoire ou vouloir la censurer dans ce qu'elle a de paradoxal parfois est absurde », affirma Richard Ferrand  président de l'Assemblée nationale, ajoutant : « Dans la vie d'un homme public du XVIIe siècle, il y a forcément des parts d'ombre et des parts de lumière (…) cela ne serait peut-être pas une mauvaise idée d'enrichir ces statues d'une plaque, d'un panneau qui explique pourquoi cette statue est là, les faits saillants d'un personnage, les faits glorieux comme ceux qui le sont moins ». Une idée à retenir pour la fresque de l’abbé Pierre du jardin des Deux-Nèthes ? 

Condamnés par les élus locaux, ces outrages furent promptement effacés. Le président de la République commenta : « La République n’effacera aucune trace ou aucun nom de son histoire. La République ne déboulonnera pas de statue. Nous devons plutôt lucidement regarder ensemble toute notre histoire, toutes nos mémoires ».

Donc, la mairie de Paris enleva la statue de Voltaire en août 2020, pour deux raisons. Ce Voltaire en pierre était bien fatigué, il avait perdu son nez. Et aussi parce que, dans ce coin retiré, on pouvait craindre que les vandales ne récidivent. Soit. La réalisation d’une copie de la statue en résine – marbre type Versailles –  prit beaucoup de temps.

Tellement de temps que, en 2022, sans nouvelles du Voltaire élu en 1746 à l’Académie française, Hélène Carrère d’Encausse, alors secrétaire perpétuelle de cette institution, dénonça « cette politique systématique de dégommer les statues (…), les détracteurs de Voltaire jugent, avec des yeux d’aujourd’hui, un homme du XVIIIe siècle passionné par le monde occidental.

L’auteur du Traité de la tolérance et des Lettres philosophiques n’était pas assez inclusif… Mais ça n’a aucun sens, personne n’était tiers-mondiste à l’époque. Pourquoi honorer Voltaire en cette séance solennelle ?

Pour lui rendre justice ! Il y a deux ans, sa statue, qui se dressait face à celle de Montesquieu dans le jardinet situé à l’angle du quai Voltaire – ancien quai des Théatins où Voltaire vécut ses deux dernières décennies –, s’est soudain volatilisée. Et toutes les questions posées se sont heurtées au silence avant que soient avancées très récemment des explications embarrassées, nécessité d’un toilettage, fragilité de la statue… À la vérité, la rumeur a couru dès le début, Voltaire était le représentant du vieux monde injuste. Il avait glorifié les puissants et les colonisateurs, méprisé les faibles, insulté le Prophète. Il n’avait donc pas sa place dans l’espace public. L’Académie, dont il fut l’un des membres les plus illustres, se devait de rétablir la vérité. »

 

 

Elle aurait pu rappeler le mot de Gavroche : « Si je suis tombé par terre, c’est la faute à Voltaire ». Il est vrai qu’il ajoutait « le nez dans le ruisseau, c’est la faute à Rousseau ». C’est de Jean-Jacques Rousseau qu’il s’agissait.

 Il semble que la statue résine/marbre était prête en 2022. Mais où l’installer sans risquer de nouvelles atteintes peut-être aussi sans provoquer les vandales, ou mécontenter certains élus de la majorité municipale… A moins qu’il ne s’agisse plus classiquement des retards techniques de la Mairie de Paris que nous connaissons trop, du Parcours des peintres impressionnistes à la réhabilitation de l’accès au métro La Fourche.

Elle ne sera réinstallée que le 11 juin 2024, en catimini disent certains, peut-être parce que c’était le surlendemain de la dissolution de l’Assemblée nationale.

Philippe limousin

Date de publication : 
8 décembre 2024