Les poétesses à la Fête du Livre 2023

En 2023, la fête du Livre de la rue Davy mit à l’honneur les poétesses - ou femmes poètes - au fil des siècles.

 

Il était temps me direz-vous, vous qui n’avez depuis tant d’années célébré que des poètes hommes. Effectivement, et nous voulions faire notre mea culpa, non en nous frappant vainement la poitrine, mais en faisant sortir de l’ombre ces femmes peu connues, voire inconnues, oubliées, ces femmes méconnues, presque inexistantes dans les anthologies de poésie, anthologies quasiment toutes rédigées par des hommes.

Littérature et poésie n’ont pas échappé à la misogynie et à la domination masculine du Moyen Age à nos jours. Et pourtant qui aime la poésie trouvera dans ces milliers de vers de femmes oubliées, vers de souffrance et de combats, de noblesse et d’espérance, le sens du frisson et de l’émotion pour des jours et des jours de lecture. Le domaine est tellement vaste et riche qu’une seule fête de la rue Davy n’a pas suffi.

Nous nous promettons d’y revenir une des prochaines années.

Le 16 septembre, ces anonymes du Moyen Age, ces dames du temps jadis, ces poétesses contemporaines déambulèrent rue Davy, majestueuses et fantomatiques, au beau milieu des étals de livres.

Elles qui ne furent jamais invitées précédemment purent découvrir cette poétique éphémère.

Il y avait là les exposants fidèles qui depuis plus de vingt ans se pressent dès potron-minet pour être les premiers à débarquer leur précieux fret. Il y avait aussi les novices, cherchant leur emplacement, tout étonnés d’arpenter une rue vierge de voitures, annexée sans violence par une kyrielle de bouquinistes amateurs, nez au vent et sourire aux lèvres. Il y avait encore et bien sûr ces chalands par centaines, démarche chaloupée, baguenaudant et bavardant d’un stand à l’autre, avides de rencontres et d’échanges.

Connaisseuses et intéressées, nos poétesses s’arrêtèrent médusées devant un concours de lecture à voix haute, en pleine rue, où des enfants s’appliquaient à lire quelques pages d’un livre qui leur était cher, tenu d’une main un peu tremblante.

Un peu plus loin, elles firent une halte pour écouter quelques ménestrels modernes donner de la voix, de la batterie et de la guitare avec pour seule scène de fortune, un angle de rue.

Levant les yeux, elles apprécièrent les décorations riches en couleurs qui rendaient sa beauté à cette rue modeste.

Tandis que leurs poèmes trop longtemps enfermés, lus et chantés à gorge déployée par quelques illuminés ivres de poésie, s’échappaient d’une cour, parmi des volutes de flûtes, et venaient planer au- dessus de la fête, le soleil lentement envahissait la rue comme une lueur d’éternité.

 

C’est ainsi que nos poétesses firent connaissance avec la fête du Livre. Elles comprirent que la rue Davy était une vieille dame comme elles, ignorée dans une ville sans mémoire, oublieuse des humbles et de leur passé, et que ce rendez-vous annuel marquait sa résilience, résilience têtue d’une rue populaire qui, une fois l’an s’inonde de bouquins, se gorge de poésie, de chants et de musique et qui, à sa mesure et pour quelques heures seulement, mais pour quelques heures tout de même, tente de donner le la à un monde désaccordé.

A l’an prochain !

Bruno Godard, animateur de l’association  « Du côté de la rue Davy »

Date de publication : 
17 juillet 2024