Un parcours des peintres impressionnistes installé entre la place de Clichy et la Cité des Fleurs

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Exemple d’un des panneaux du “Parcours des peintres Impressionnistes”. Il devrait être installé au croisement entre la rue Dautancourt et l’avenue de Clichy .

Adopté lors des budgets participatifs en octobre 2018, notre projet du Parcours des peintres impressionnistes a finalement été installé en juin 2024. Après un long cheminement  semé d’embuches, émaillé de rendez-vous sur le terrain, il a vu le jour dans une forme qui reste à améliorer.

 

C’était une belle idée que ce Parcours des peintres impressionnistes dans le quartier de la place et de l’avenue de Clichy, au point d’avoir été plébiscitée par le vote citoyen lors du budget participatif à l’automne 2018.

Une belle idée de rappeler que notre quartier a connu de riches heures dans les années 1860-1920 et, pour ce faire, proposer l’installation sur la voie publique d’une dizaine de reproductions d’œuvres de peintres qui ont travaillé dans ce quartier ou y ont habité, qui l’ont représenté.

Il a fallu choisir ces œuvres parmi un vaste panel (tant notre quartier a inspiré les peintres), rédiger les commentaires accompagnant chaque tableau, identifier très précisément le lieu de leur installation. Ce fut un travail assez considérable et passionnant, en collaboration avec la DAC (Direction des Affaires culturelles de la mairie de Paris) qui a négocié et obtenu les droits de reproduction auprès des musées qui exposent ces œuvres.

La mise en œuvre chemine lentement

Grâce à notre travail de sélection des œuvres et de rédaction des textes et à celui de la DAC qui nous a suivis sur toute la ligne, tout semblait prêt à l’été 2020 et, dans notre Journal n°37 publié en novembre 2020, nous pouvions annoncer une inauguration début 2021. Fanfaronnade car, pendant des mois, nous n’eûmes aucune nouvelle de l’avancement du projet. A la mairie de Paris, Karen Taïeb, nommée adjointe au maire en charge du Patrimoine, de l’Histoire de Paris et des Relations avec les cultes, s’est retrouvée en charge du dossier. Nous la connaissions pour l’avoir reçue lors de la campagne des élections municipales de 2020 alors qu’elle conduisait une liste dans le XVIIe. Nous lui avions alors présenté notre projet, adopté dix- huit mois plus tôt. 

Pourtant, six mois plus tard, dans notre Journal n° 38 (juin 2021), nous avons titré « Le parcours en panne ». Ce retard n’incombait pas à la DVD, Direction de la voirie et des déplacements qui avait validé les emplacements que nous proposions. Mais à la ville de Paris qui a initié à l’automne 2020 « une réflexion sur le mobilier urbain parisiens sous l’égide du premier adjoint »…

Conséquence : le cabinet nous informe « ne pas être en mesure de nous donner une date d’inauguration, [nous assure] que Karen Taiëb met tout en œuvre pour faire avancer le projet [et regrette de ne pouvoir] à ce jour entreprendre la pose de nouveaux éléments dans l’espace public sans que le projet ne passe en commission de régulation de l’espace public ».

Le premier adjoint, chargé notamment de l’urbanisme, c’est Emmanuel Grégoire qui devait avoir beaucoup à faire.

 

Echange de courrier entre élus : ce qui bloque c’est le choix des supports

Désireux de faire lever les blocages, nous intervenons auprès des élus du secteur, notamment les deux députés Pierre-Yves Bournazel et Stanislas Guerini qui, le 18 septembre 2021, avaient adressé un courrier sur ce sujet à Karen Taïeb.

Dans sa réponse à Stanislas Guerini datée du 3 novembre, Karen Taïeb salue « un beau projet dont elle suit attentivement la mise en œuvre depuis son vote, en lien avec l’association déclic 17/1 8 porteuse du projet ».

Elle s’interroge toutefois sur deux points : « L’implantation des différents panneaux, afin que ceux-ci s’inscrivent dans l’espace public sans occasionner de gêne pour l’ensemble des usagers » et l’esthétique des supports affirmant « son souhait de prendre un peu plus de temps (….) attachant une grande importance au choix du mobilier qui accueillera les informations patrimoniales et culturelles devant les adresses recensées dans ce parcours » précisant « plutôt que disséminer dans Paris un mobilier par projet, il me paraît essentiel de réfléchir à un mobilier parisien qui sera facilement reconnaissable et commun pour les projets à vocation historique comme celui proposé par déclic 17/18 et d’autres sur lesquels nous travaillons actuellement ». Elle conclut, se voulant rassurante « il ne s’agit pas pour autant de retarder sans limite le projet déclic 17/18 ».

Pour la mairie de Paris, le problème, la cause du retard, c’est le choix des supports…

Ce tableau de Sisley a été installé à l'entrée de la Cité des Fleurs.

 

Une rencontre « sur le terrain »

C’est donc avec circonspection que, le 10 novembre 2021, nous rencontrons « sur le terrain » Karen Taïeb, accompagnée du responsable de la Direction de la voirie des VIIIe, XVIIe et XVIIIe arrondissements et des fonctionnaires de la DAC avec qui nous avons travaillé en bonne intelligence depuis l’origine. Nous avons cheminé pendant près de deux heures le long du trajet du Parcours proposé. Le responsable de la DVD validant chacune des implantations que nous avions suggérées, n’occasionnant pas de gêne pour les piétons, l’affaire se présentait plutôt bien.

Il nous fallut déchanter quand l’adjointe au maire de Paris fit part à nouveau de son désir de prendre le temps de trouver un modèle de support esthétique, applicable à la totalité des panneaux parisiens. Pour ce faire, elle se donnait jusqu’à juin 2022.

 

Un dénouement proche

C’est finalement le 23 octobre 2023, après de nouvelles rencontres sur le terrain, de multiples échanges de courriers que le modèle du support nous est présenté à l’Hôtel de Ville par Karen Taïeb en présence notamment d’un représentant de la DAC, de fonctionnaires de la Ville et du concepteur-fabricant du support et des panneaux.

Karen Taïeb risqua ce bon mot « le projet de déclic 17/18 sera le déclic pour ce qui sera installé ailleurs à propos de l’histoire de Paris ». Propos flatteur pour notre association qui s’inscrit ainsi dans l’histoire de la capitale… Fallait-il pour cela retarder de deux ans la mise en œuvre de notre projet ?

Ce support qui doit marquer l’histoire a plutôt bonne allure. Son concepteur l’a voulu « inspiré de la tradition parisienne », en acier galvanisé marron foncé, arborant le logo de la Ville de Paris sur une plaque amovible.

Installé à une hauteur de lecture de 1,20 – 1,40 m, le panneau reproduisant œuvre picturale et le commentaire est en lave émaillée collée dans son bac métallique, un matériau de qualité qui permet un bon rendu photographique et qui a fait ses preuves depuis des décennies pour sa résistance au temps et au vandalisme : on pense aux tables d’orientation installées dans des lieux stratégiques à l’usage des touristes dès les années 1920. Dans l’univers parisien, il est rassurant de savoir que ce matériau résiste aux tags qui seront effacés sans porter atteinte à la surface. Quant au support métallique, il peut aussi être nettoyé, y compris des autocollants pourvu qu’ils soient rapidement enlevés. Les services de la Direction de la propreté seront chargés de l’entretien. Karen Taïeb assure que l’ensemble des Directions de la Ville seront informées de l’installation de ces panneaux sur la voie publique, préfigurant d’autres parcours historiques parisiens.

 

Où installer ces panneaux ? A proximité immédiate du lieu que le peintre a représenté, de son domicile ou encore de son atelier. Tel était notre vœu qui avait été repris par nos interlocuteurs de la DAC. Il fallait compter aussi avec le regard des ABF Architectes des Bâtiments de France.

Si les choix qui ont été les nôtres pour les implantations des panneaux sur l’avenue de Clichy n’ont pas soulevé de problèmes, il n’en alla pas de même pour les 4 tableaux dont l’installation était prévue place de Clichy, ce haut lieu de l’esthétique et de la convivialité parisienne qui, année après année, a perdu l’essentiel de ses établissements prestigieux et qui souffre toujours autant des embouteillages… D’évidence, ces panneaux « en situation » gênaient les ABF : on comprend que pour la place de Clichy, ils soient pointilleux ! 

 

Des emplacements pertinents validés par la DEV et la DAC

Et pourtant, le meilleur endroit pour installer « Le boulevard de Clichy sous la neige », de Paul Signac nous semble être dans la perspective de ce boulevard. Pour Le Gaumont-Palace illuminé dans la nuit d’Abel Truchet, face à l’emplacement du regretté Gaumont-Palace. Ces deux panneaux avaient parfaitement leur place sur le rond-point d’une centaine de mètres carrés, relais pour traverser le boulevard de Clichy, au carrefour de la rue Caulaincourt.

Ce ne fut pas l’avis des ABF. Ces panneaux Ville de Paris auraient gêné le cheminement des piétons et, qui sait, la vue sur cette merveille architecturale qui a remplacé le Gaumont-Palace…

« Les dames du café Wepler », œuvre peu connue d’Albert André, avait sa place sur le terre-plein central ou le trottoir à proximité de la brasserie Wepler. Eh bien non ! Aux yeux des ABF, il faut désencombrer l’espace public, déjà occupé par un kiosque à confiserie, un remake de la colonne Morris traditionnelle, des panneaux publicitaires déroulants de Clear Channel, un panneau d’information Ville de Paris, et des armoires électriques en permanence victimes l’un et l’autre d’affichage sauvage.

 

Des panneaux consignés dans des recoins sordides

Le sort de ces 3 panneaux fut tranché sans même que les ABF prennent contact avec notre association qui avait travaillé en amont pendant des mois en étroite collaboration avec les services de la DAC. Ils seront donc consignés dans des recoins, des petits coins à la limite du sordide où on ne risque guère de les voir. Ainsi, trois des quatre panneaux installés place de Clichy le seront dans des lieux ineptes. Notre association ne peut que le déplorer.

Un temps, nous avons pensé retirer notre signature… Mais si déclic 17/18 avait eu l’initiative de ce Parcours des Peintres, retrouvant des œuvres peu connues (au moins pour Abel-Truchet et Albert André) mais parfaitement en situation, dès lors que notre projet avait été adopté par le vote citoyen, il nous échappait quelque peu et nous n’avons jamais pratiqué la politique du pire...

Qui sait, on peut espérer que ces 3 panneaux retrouveront un jour l’emplacement qui devrait être le leur. Après tout, il y a peu, la mairie de Paris s’acharnait à organiser la disparition d’une partie du mobilier urbain traditionnel comme les bancs Davioud, des grilles au pied des arbres, trop souvent remplacées par du n’importe quoi sanctifié par un « permis de végétaliser », sans que les ABF s’en émeuvent autrement. 

Cela suscita quelque émotion chez les Parisiens, on parla de Saccage.  A défaut de mea culpa, la Mairie de Paris dut revenir à de meilleures pratiques. Qui sait, on peut espérer. Espérons.

Philippe Limousin

 

 

Les tableaux du parcours

 

 

Le boulevard de Clichy sous la neige, 1886

Paul Signac (1863-1935)

Emplacement : place de Clichy au coin du passage de Clichy

Une œuvre de jeunesse de Paul Signac qui découvre l’impressionnisme à 16 ans, rencontre Caillebotte, Degas, Mary Cassatt. Très influencé par Monet, il écoute aussi les conseils de Manet. En 1882, installé rue Constance, il peint Montmartre. Avec Seurat et Pissaro, ils se veulent « impressionnistes scientifiques », expérimentant la technique du pointillisme ou divisionnisme, peignant par petites touches de couleurs pures. À gauche, les immeubles post haussmanniens ne sont pas encore tous construits.

 

 

Le Gaumont-Palace illuminé dans la nuit, 1913

Louis Abel-Truchet (1857-1918)

Emplacement : place de Clichy

Abel Truchet, considéré comme le peintre de la vie nocturne parisienne, très en vogue à la Belle époque, peut être classé post-impressionniste. Le cinéma Gaumont-Palace, installé dans l’ancien Hippodrome, rénové en 1911, a ici un aspect féérique, palais des plaisirs où se pressent les spectateurs en habit de soirée, à pied ou en calèche.

 

 

Les dames du café Wepler, 1926

Albert André (1869-1954)

Emplacement : place de Clichy 1 avenue de Clichy

En 1889, Albert André rencontre Bonnard, Vuillard, Denis et Vallotton à l’académie Julian.  Classé post-impressionniste, il sera pendant vingt-cinq ans l’ami de Renoir. Introduit auprès du marchand Durand-Ruel, il aura beaucoup de succès aux États-Unis. Qui sont ces Dames du café Wepler ? Maquillées, chapeautées, devant un café et un alcool (un marc ?), des dames ou des petites femmes ? Quelques années plus tard, elles auraient pu rencontrer Henry Miller.

 

 

Le café du Petit Poucet, 1928

Pierre Bonnard (1867-1947)

Emplacement: place de Clichy angle rue Biot

Œuvre de maturité de Pierre Bonnard revenu à l’impressionnisme après avoir été à l’origine du mouvement nabi avec Paul Sérusier et Maurice Denis et s’être tenu à l’écart du fauvisme et du cubisme. À côté de sujets inspirés de la vie quotidienne, la rue constitue pour Bonnard le plus attrayant des spectacles. Pour lui, qui eut des ateliers rue Pigalle et rue de Douai, qui en 1928 habite boulevard des Batignolles, il s’agit de « capturer le pittoresque du ballet des bourgeois et du peuple autour de la place de Clichy ».

 

 

 

Dans un café ou l’absinthe, 1876

Edgar Degas (1834-1917)

Emplacement : 9 avenue de Clichy 

Edgar Degas a surtout peint la réalité urbaine. Au café Guerbois, qui fut dans les années 1860-1875 le lieu de rencontre de peintres, de littérateurs comme Zola ou Verlaine - on a pu parler d’école des Batignolles -, Degas rencontra notamment Monet et Renoir. Dans ce tableau de 1876, le milieu artistique reconnaissait Ellen Andrée, comédienne et Marcellin Desboutin, graveur ami de Degas, tous deux avaient été peints aussi par Manet. L’œuvre dépasse leur personnalité. Elle, le regard vague en corsage clair, devant une absinthe. Lui, l’œil noir, vêtu de sombre, devant un breuvage innocent. Inversion des rôles ? Malaise ? Le lieu de plaisir devient lieu d’ennui. Bien plus tard, Ellen Andrée confiera : « Nous étions là comme deux andouilles, le monde renversé ».

 

 

Avenue de Clichy, 5 heures du soir, 1887

Louis Anquetin (1861-1932)

Emplacement : 43 avenue de Clichy 

Louis Anquetin avait fréquenté les ateliers de Bonnat au 30 avenue de Clichy, puis de Cormon où il rencontre Toulouse-Lautrec et Émile Bernard. Ce tableau, daté de mars 1887, présente une vision de la ville par une fin d’après-midi humide. Sous le ciel gris, un trottoir très fréquenté luisant, éclairé par les lanternes du magasin devant lequel se pressent les ménagères. Sur la chaussée, des fiacres. Au fond, on aperçoit La Fourche et le début de l‘avenue de Saint-Ouen. Anquetin, influencé par l’art japonais, aurait été le chef de file du cloisonnisme ou divisionnisme. En novembre 1887, il exposera dans le restaurant Le Grand Bouillon 43 avenue de Clichy avec Van Gogh, Emile Bernard, Pissarro et Seurat.

 

 

Portrait d’Émile Zola, 1868

Édouard Manet (1832-1886)

Emplacement : 90 avenue de Clichy 

En 1868 Manet a 36 ans. Il peint le portrait de Zola, sans doute pour le remercier d’avoir pris sa défense dans la polémique soulevée par son tableau Olympia. A 26 ans, Zola, journaliste et romancier débutant, n’est pas riche. Il habite alors 1 rue Dautancourt. Pantalon gris et redingote noire, il est « en bourgeois », entouré d’objets symboliques. Sur son bureau, un encrier et de nombreux livres, dans ses mains L’Histoire des peintres, au mur une gravure du Triomphe de Bacchus de Vélasquez, un daguerréotype de l’Olympia, une estampe et un paravent japonais.

 

 

L’atelier de Bazille, 1870

Frédéric Bazille (1841-1870)

Emplacement : 7 rue La Condamine

En 1870, Frédéric Bazille partage avec Auguste Renoir au 7-9 rue La Condamine, un atelier typique : verrière, loggia sous un haut plafond, chauffé par un poêle. Au centre, Bazille palette à la main. C’est Manet, son maître et son aîné de dix ans qui l’a peint, ce même Manet qui, un chapeau sur la tête, observe la toile sur le chevalet. Monet est le troisième personnage. Zola, sur l’escalier se penche vers Renoir ou Sisley… Le pianiste pourrait être Edmond Maître, l’ami de Bazille. Aux murs, des tableaux refusés aux Salons : de Bazille La toilette au-dessus du canapé, à gauche L’épervier ou Paysage avec deux personnages de Renoir. Un fauteuil attend le visiteur. Cette scène d’atelier sera exposée dans le monde entier dès 1910. Elle est contemporaine du tableau de Fantin-Latour Un atelier des Batignolles, de facture plus classique, où l’on retrouve les mêmes artistes.

 

 

Portrait de Frédéric Bazille peignant "le Héron aux ailes déployées", 1867

Pierre-Auguste Renoir (1841-1919)

 Emplacement : 75 avenue de Clichy 

Dans ses ateliers parisiens successifs, Frédéric Bazille, fils d’une famille aisée, accueillait des proches comme Renoir, occasionnellement Monet ou Sisley. Renoir paie sa dette avec cette représentation de Bazille de profil devant son chevalet, palette à la main, peignant un héron, une pie et un geai, tableau qui sera conservé au musée Fabre à Montpellier. Les dominantes sont grises et beiges, le rouge des lacets d’espadrille. Au mur, un tableau de Monet La route de la ferme Saint-Siméon, hiver peint peut-être ici par Monet. Édouard Manet achètera ce portrait à Bazille en 1868. En 1867, Bazille peint un Portrait de Renoir nonchalamment installé sur une chaise, que Renoir gardera sa vie entière. Il est aujourd’hui au musée d’Orsay.

 

Date de publication : 
17 juillet 2024