François Truffaut et son double Antoine Doinel hantent le quartier de la place de Clichy.
Le jeune François Truffaut était un enfant du quartier.
Né en 1932, il habite chez sa grand mère, 2 rue Henri Monnier, puis 33 rue de Navarin, fréquente la maternelle rue Clauzel et 5 rue Milton, la communale 35 rue Milton (en face du 38, s'est installée la revue de cinéma "Positif"). Il vit chez ses parents rue de Clignancourt puis rue Saint-Georges. Viré de la communale, plutôt qu'au collège Rollin (aujourd'hui Jacques Decour), ses parents l'inscrivent à l'école commerciale rue Condorcet.
On dit que tout jeune, il fréquente une maison accueillante, forcément clandestine et sans doute protégée, 9 rue Navarin, une très belle maison néo-gothique, qui avait été le siège de la LVF pendant l'occupation.
Adepte forcené de l'école buissonnière, il pille les troncs des églises, fréquente les salles de cinéma de Clichy-Rochechouart avec Robert Lachenay, son ami de toujours qui habite rue de Douai un très vaste appartement, chez ses parents, des bourgeois décavés.
On compte alors sur le boulevard une vingtaine de salles : Clichy-Artistic, Trianon, Gaîté-Rochechouart, Palais Rochechouart, Roxy, Pigalle, Gaumont Palace bien sûr ou l'Artistic Douai (à l'emplacement de la Poste). La vie c'était l'écran...et on piquait les photos de film.
Très jeune, Truffaut voit la moitié des films tournés pendant l'Occupation.
Ce mauvais élève est déjà un grand lecteur. Il achète les livres des romanciers du XIXe siècle chez les bouquinistes, rue Mansart et rue des Martyrs, en face de Médrano. En 1950, Truffaut rencontre Jean Genet au Terrass Hôtel, rue Joseph de Maistre, qui lui fait lire les Série Noire. Ils font de longues promenades boulevard de Clichy.
Là, il faut évoquer Antoine Doinel, la créature, le double du jeune Truffaut, comme lui enfant d'une "fille mère", c'est ce qu'on disait dans ces années là, et d'un beau père, mal aimants. "Truffaut a en commun avec Doinel des relations difficiles avec sa mère, une scolarité chaotique et un tempérament fugueur".
Antoine Doinel apparaît en 1958, dans les 400 Coups, premier long métrage de Truffaut. Lui aussi hante le quartier Saint-Georges, planque son cartable place Gustave-Toudouze pour aller au cinéma ou à la fête foraine de Rochechouart. Antoine qui sèche l'école surprend sa mère avec un de ses amants accolée à la rambarde du métro Place de Clichy. Echange de regards : les deux sont en tort, on ne dira rien. Les jours fastes, la famille Doinel passe la soirée au Gaumont Palace.
Des jours entiers, Antoine s'installe chez son ami René, double de Robert Lachenay. Pour le cinéma, on est passé de la rue de Douai à la Villa Frochot, à deux pas de la place Pigalle, mais si romantique depuis Victor Hugo et les Renoir, où dans Touchez pas au grisbi, Gabin Max le menteur se planque chez son ami Pierrot tenancier d'un clandé, pour échapper à la menace d'Angelo (Lino Ventura) qui en 1953 jouait les méchants. C'est pas du Truffaut, mais du Jacques Becker.
C'est au Mont de Piété, rue Forest qu'Antoine tentera de fourguer une machine à écrire volée dans le bureau de son père.
Ca finira mal, au commissariat de la rue Ballu, puis en maison de correction. En 1948, le père adoptif de Truffaut l'avait fait emprisonner au Centre d'Observation des Mineurs Déliquants après l'avoir conduit à ce même commissariat de la rue Ballu.
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