Le 30 mars 1814 à la Barrière de Clichy

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Le monument au centre de la place de Clichy

Qui remarque encore, en passant la Place de Clichy entre les bus et les voitures toujours nombreuses, cette statue qui trône au centre de la place ? Et pourtant, elle commémore l’action des forces parisiennes qui, au printemps 1814, alors que les coalisés entrent dans Paris, sont mortes par milliers… alors que la messe était dite !

 

Dans ce carrefour parisien aux confins de quatre arrondissements, qui se souvient des combats de 1814 ? Qui voit encore le monument au maréchal Moncey érigé en 1869 sous Napoléon III et qui ne fut jamais inauguré ? Un concours avait été ouvert en 1864, qui avait refusé un projet de Carpeaux décrit comme « romantique et désordonné » (voir la maquette au Petit Palais).

Décryptons. Le sort a tourné pour Napoléon Ier. Après la campagne de Russie de 1812 et les échecs en Allemagne en 1813, les coalisés passent le Rhin en janvier 1814. C’est la bataille de France : victoires éphémères, défaites, Napoléon mène des batailles de retardement. Il a nommé son frère Joseph lieutenant général. Au soir du 29 mars, les coalisés sont aux portes de Paris : 200 000 Russes, Prussiens, Autrichiens, Bavarois, Hollandais, même des Suisses.

Face à eux, Mortier, Marmont alignent 20 000 hommes autour de Paris.

 

Une ville indéfendable

Paris, c’est alors la surface des 11 premiers arrondissements (tout n’est pas construit), derrière l’enceinte fiscale des Fermiers Généraux ouvrant par 56 barrières d’octroi. Dans Paris intra-muros, Moncey commande une garde nationale qui aligne 100 hommes à chacune des 12 grande barrières (dont la Barrière de Clichy) et 12 légions de 300 volontaires auxquels s’ajoutent 4 000 gardes nationaux armés de piques et 8 000 non armés restés aux Invalides ; 200 canons sont servis par des polytechniciens et des invalides. Paris était indéfendable. Le 28 mars, l’impératrice et le roi de Rome ont quitté la ville. Joseph Bonaparte, cantonné à Montmartre, autorise les généraux à entrer en pourparlers avec l’ennemi.

On se battra surtout autour de Paris : à Romainville, Charenton, au Pré Saint-Gervais, aux Buttes Chaumont, à Belleville… Des généraux s’illustrent : Secrétan, Christiani, Belliard, Clavel, Compans, Pelleport, Ordener ; des rues de Paris portent leurs noms.

 

Un Français coalisé, premier à Paris

Alexandre-Louis Langeron, colonel français, puis émigré, puis général dans l’armée russe, a pris Montmartre. Il fallait qu’un Français soit le premier des coalisés à rentrer dans Paris où les monarchistes s’étaient organisés… Entre Langeron et Paris, il n’y a plus que les gardes nationaux de Moncey à la Barrière de Clichy.

Moncey a installé son QG au cabaret du père Lathuille dont on parlera tant, « des gardes nationaux se mettent en embuscade avenue de Clichy, les pièces d’artillerie installées dans le tambour de la barrière et servies par des invalides retiennent pendant un temps les Russes qui dévalent de Montmartre ». « Retiennent pendant un temps » : tout est dit.

 

Des combats meurtriers

Les combats autour de Paris sont meurtriers : on évoque 8 800 tués, blessés ou disparus dans les rangs français, et 300 gardes nationaux, et aussi 7 000 Russes et 2 000 Prussiens. Mais, aux portes de Paris, combats symboliques, de retardement, pour l’honneur, à la Barrière de Clichy et à la Barrière du Trône (place de la Nation).

Comment expliquer alors cette légende autour de Moncey et de la Barrière de Clichy ? Sous la Restauration, on vit des libéraux, et même des républicains, ressentir une forme de nostalgie à l’égard d’un empire dont on avait oublié les massacres et l’autoritarisme, ne retenant qu’une certaine grandeur. C’est vrai d’un Béranger, de Stendhal et d’Hugo même.

 

L’affaire est faite

Si à des combats, même mythifiés, s’ajoute une intervention du peuple, incarné par exemple par le père Lathuile, l’affaire est faite ! Emile de la Bédollière dans son guide « Le nouveau Paris, histoire des 20 arrondissements », publié en 1860 raconte : « Des tirailleurs de la 2e légion embusqués dans les vignes et autour des carrières accueillirent l’avant-garde [russe] par une vive fusillade et se replièrent derrière la barrière de Clichy ». Dans les vignes… C’est presque trop !

C’est le lien avec ce cabaret, ouvert rue (avenue) de Clichy depuis 1790 - le vin était moins cher passé l’octroi - où Moncey aurait installé son quartier général. On imagina Lathuile clamant aux braves défenseurs – des gardes nationaux, c’est le peuple - « Buvez, mangez et videz la cave. Il ne faut rien laisser à l’ennemi ! » La maison du père Lathuile fut le point de mire de l’ennemi : une douzaine de boulets s’y logèrent, l’un dans le comptoir où il resta nombre d’années… Le cabaret peint par Manet en 1879 ne disparut qu’en 1906. Allez voir le Cinéma des Cinéastes.

La Bédollière ajoute toutefois : « Cependant, à 5 heures du soir, le son de la trompette annonça un parlementaire et un armistice fut proclamé. » Ce ne fut pas Austerlitz !

 

Naissance d’un mythe

Déjà, Alexandre Dumas avait fait jouer La Barrière de Clichy, pièce en trois actes. Elle fut créée en 1851, au théâtre des Batignolles (aujourd’hui théâtre Hébertot), cela ne s’invente pas ! Dumas qui était proche de Louis-Napoléon Bonaparte encore président de la république, peu avant son coup d’Etat, veut y voir du théâtre républicain.

En 1836, un certain Adolphe de Leuven qui, à l’occasion, collaborait avec Dumas, publia « Le père Lathuile ou le cabaret de la barrière de Clichy », souvenir de 1814 en 1 acte. Citons seulement ces vers :

Vive l’empereur ! à ce cri j’les r’connais
Ils arrivent au pas de charge, ce sont bien les Français
On démonte un cosaque, je l’entraine dans un coin
Pour faire le coup de poing / pan, pan, pan, les armes tonnent

Contribution à la naissance d’un mythe… On conçoit que Napoléon III dont l’image pâlissait en 1864 ait eu l’idée d’un monument à la mémoire des combattants de 1814 jouant cinquante ans plus tard, sur un patriotisme populaire, pour ranimer la flamme bonapartiste. Las, ce monument ne fut jamais inauguré : en 1870, il y avait d’autres urgences.

Philippe Limousin

 

 

PORTRAIT

Bon Adrien Jeannot (dit) de Moncey : « Une vie bien remplie… »

Bon Adrien Jeannot (dit) de Moncey (1754-1842) En 1814, Moncey, né en 1754, est le doyen des maréchaux de Napoléon qui l’a nommé major général de la Garde nationale. C’est un peu un pré-retraité que ce vaillant militaire, engagé comme grenadier en 1769 sous Louis XV, que la République nommera général en 1794 .

Oublié par le Directoire car suspect de royalisme, il favorisera le coup d’état du 18 brumaire et sera nommé maréchal d’empire en 1804. Lors du couronnement de Napoléon, c’est Moncey qui portera la traîne de Joséphine. Au sein de la Grande Armée, surnommé Fabius, il combat en Espagne et en Hollande. Peu favorable à la campagne de Russie, il est nommé inspecteur général de la gendarmerie et donc comandant de la garnison de Paris, poste de confiance.

On sait le rôle qu’il a joué à la barrière de Clichy le 30 mars 1814, largement mis en scène dans les années qui ont suivi. On sait moins que le 11 avril, il assure le gouvernement provisoire de l’adhésion des troupes de la gendarmerie. Aussi, le 13 mai, Moncey est nommé ministre d’état, puis pair de France et chevalier de l’ordre de Saint Louis. Il va quand même refuser d’être du jury qui condamnera Ney.

Courte disgrâce, retour en grâce dès 1816. Un des commandants de l’expédition d’Espagne en 1823, il sera connétable au sacre de Charles X en 1824… mais prête serment à Louis-Philippe en 1830. Couvert d’honneurs, gouverneur des Invalides en 1833, il sera présent au retour des cendres de Napoléon le 15 décembre 1840. Bien plus tard, Edgar Faure dira « ce n’est pas la girouette qui tourne, mais le vent… »

Date de publication : 
14 janvier 2018