Si la rue Pouchet n’est pas la plus agréable de notre quartier pour effectuer une promenade à pied (double sens de circulation automobile, stationnement unilatéral, plusieurs lignes de bus), elle n’en mérite pas moins une visite. Ne serait-ce que pour pénétrer dans l’église Saint-Joseph, la première église construite à Paris après la loi de 1905 (loi de séparation de l’Église et de l’État).
L’église de la rue Pouchet, dans laquelle on peut également pénétrer par la cité des Fleurs, porte le nom de saint Joseph. On peut penser que donner le nom d’un charpentier, patron des travailleurs, à l’église d’un quartier qui, lors de sa construction, était essentiellement habité par des ouvriers et des artisans, était une bonne idée…
Et pourtant, les voies du Seigneur sont impénétrables : le curé de l’époque l’a baptisée ainsi en l’honneur du pape Pie X dont le prénom « civil » était Joseph. Il fallait peut-être en appeler au pape pour la première église construite à Paris après la loi de 1905 (séparation de l’Église et de l’État). Et, comme, à Paris, les églises dédiées à saint Joseph ne manquent pas, on lui a ajouté le nom du quartier. L’édifice est donc devenu Saint-Joseph-des-Épinettes…
Pourquoi construire une nouvelle église ?
Lors du rattachement à Paris en 1860 de la commune des Batignolles (dont faisait partie le quartier des Epinettes, 68e quartier de Paris, le 67e étant les Batignolles), le quartier est peu loti hormis le long des grandes voies pénétrantes dans Paris. Autour, des maisons sont édifiées dans des jardins. C’est encore la campagne. La spéculation qui touche le centre de Paris avec les restructurations du baron Haussmann et, surtout, l’arrivée des usines, vers la fin du XIXe siècle va profondément transformer ce quartier. Les Épinettes se développent beaucoup aux environs de 1890. L’église saint Michel des Batignolles* s’avère alors trop petite pour un nombre de paroissiens grandissant. Et, considérée comme « terre de mission », la paroisse des Epinettes vaut bien une église.
En 1907 le curé de saint Michel demande la construction d’une nouvelle église dans le nord ouest des Épinettes. La première pierre est posée le 19 mars 1909 (le jour de la saint Joseph). Elle est consacrée le 24 mai 1910 par monseigneur Amette. Un fragment de la chemise d’Hippolyte Debroise, le martyr des Epinettes, est inséré dans les fondations de l’église**.
Un architecte du quartier
L’architecte, Placide Thomas (un voisin, il habitait Cité des Fleurs) a dû faire face à un véritable défi : construire sur un terrain trapézoïdal dans un environnement existant (à la place d’une ancienne remise de voitures hippomobiles). Il utilise un procédé innovant « le ciment armé » ce qui permet de dégager un vaste espace intérieur. Les murs sont en briques, matériau bon marché, solide et facile d’entretien.
Les travaux tiennent dans l’enveloppe prévue de 250 000 F (près d’un million d’euros). L’achat du terrain ainsi que le financement des travaux sont dus essentiellement à la générosité des industriels du quartier, dont les usines sont voisines.
Un plan simple et un dépouillement intérieur récent
Le plan de l’édifice est simple : une croix latine avec une large nef (16 m pour une hauteur de 17 m) à deux travées, séparée des deux bas côtés par une série d’arcades en plein cintre. A la croisée du transept, une verrière orthogonale donne l’illusion d’une coupole et apporte une grande clarté.
De nos jours, la décoration intérieure est sobre, ce qui ne fut pas toujours le cas comme le montrent certaines photos de 1930.
Au fond du chœur, un Christ, de Noël Pasquier (né en 1941) accueille les fidèles. Bras ouverts, tête penchée, un pied en avant, il vient à la rencontre du visiteur. La statue en chêne de saint Joseph, que l’on peut voir sur le côté droit du chœur, a été sculptée par Hervé Vernhe en 1980, dans son atelier de Massy.
Sur les murs, le chemin de croix de 1935, bas relief en ciment, au dessin simple et à la couleur franche, est dû à Paulette Richon (1897-1987). Ces panneaux rappellent le style Art déco.
Les 44 vitraux (1911-1912), réalisés par Hervé Chanussot, représentent des saints et des martyrs dans un style très XIXe. On découvre sur certains le nom des généreux donateurs. Deux vitraux : sainte Rita et saint Augustin sont plus récents (1992).
L’oratoire, à gauche en entrant par la rue Pouchet, abrite trois œuvres des sculpteurs Jean Touret (1916-2004) et son fils Sébastien (né en 1950) : le baptistère, le tabernacle et la croix.
Une façade de style byzantin très années 1900
Il est tellement agréable d’entrer dans l’église par la Cité des Fleurs qu’on en oublierait presque l’entrée principale située au 40 rue Pouchet. La façade est pourtant intéressante, de style byzantin, le style à la mode dans les années 1900, avec sa décoration de grès émaillé et de briques vernissées bleues. Et, surtout, son vaste porche et sa porte vitrée invitant le passant à entrer.
Les trois cloches de la tourelle sud portent les noms de Joséphine, Marguerite et Hélène. On entre directement dans l’édifice sans parvis. L’architecte a été contraint de respecter l’alignement sur rue pré existant.
L’orgue que l’on peut voir sur la façade ouest est remarquable. C’est un orgue de Cavaillé-Coll construit en 1880, pour, paraît-il, le salon de la comtesse Anna de Noailles. Acheté par l’église en novembre 1910, il connaît une restauration profonde débutée par le facteur Guilmard (1984), puis est entièrement restauré par Gérard Pels d'Hondt sous la direction de l'Association des Amis de l'orgue grâce au concours de ses donateurs. il est aujourd’hui « bichonné» par l’association des Amis de l’Orgue.
En période « normale » (hors pandémie) l’association Art, Culture et Foi organise des visites de l’église (dates horaires sur le site de l’église).
Et l’association « les Amis de l’orgue » propose des concerts. (Cf. Le site de l’association).