Le triste état des boulevards de Clichy et Rochechouart quinze ans après !

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Bien pensé mais mal réalisé, avec des matériaux peu fiables, le boulevard doit être rénové !

Conséquence de mauvais choix d’équipement, du laisser aller et du laisser faire des pouvoirs publics, l’état des Bd de Clichy et Rochechouart s’est considérablement dégradé au fil des ans, (sur)fréquenté par les touristes et les fêtards. La récente mesure d’interdiction de vente d’alcool la nuit est un premier pas vers une amélioration de cette situation. Y en aura-t-il d’autres ?

 

Au terme de plusieurs années d’études et de travaux, le réaménagement des boulevards Clichy et Rochechouart s’achève en 2005. Ce projet vient de loin. En juin 2001, CLIC 17/18, d’autres associations du quartier et la presse rencontrent, sur le terre-plein du boulevard de Clichy, Bertrand Delanoë, accompagné de Jacques Bravo et Annick Lepetit,  maires des IXe et XVIIIe arrondissements, tout trois fraîchement élus. A l’ordre du jour, le stationnement sauvage des cars de tourisme sur le boulevard, moteur en route, l’hiver pour le chauffage, l‘été pour la climatisation. 

Nous saisissons l’occasion pour poser la question du réaménagement du terre-plein central  « avec notamment des lieux de repos (tonnelles, plates-bandes fleuries) et des points d’animation comme des petites guérites pour la vente de la presse, de boissons ou friandises »  (1) et, déjà, le réaménagement de la place de Clichy. 

Par chance, une réunion est organisée à l’hôtel de ville début juillet en présence des élus et des ingénieurs de la voirie !

 

A L’exemple des Ramblas de Barcelone

Unanimité sur l’état des lieux : un terre-plein central amputé par deux contre-allées ouvertes au stationnement et à la circulation des véhicules motorisés (98 places boulevard de Clichy), un sol gravement dégradé après plus d’un siècle de fêtes foraines, une forte proportion des platanes malades ou abattus, un éclairage indigent.

Jacques Bravo souhaite créer « une continuité de Barbès à Clichy à l’exemple des Ramblas de Barcelone »

On en est loin en 2019 ! Où est le beau pavage, où sont les marchés aux oiseaux, aux fleurs, aux timbres-poste… ?

Jacques Bravo, qui était aussi président de la commission des Finances au conseil de Paris, assurait ne pas être hostile à la suppression des étalages « eu égard à la faible rentabilité des droits perçus et à la très grande difficulté à contrôler les emprises au sol ou même la simple autorisation ». (1) C’était la position de CLIC 17/18.

Il faut attendre 2016 pour que la seule mairie du XVIIIe décide de supprimer les étalages sur le boulevard… Mais des étalages, il en reste comme on verra plus loin !

Après une nouvelle réunion publique organisée au lycée Jacques Decour l’été 2002, nous annonçons « La réhabilitation démarre fin 2002 », en publiant dans notre  Bulletin n°12  (2) le plan de coupe des architectes voyers, élaboré après étude et confrontation de dix versions différentes : terre-plein élargi à 17 m avec deux pistes cyclables séparées des piétons par des barrières végétales ; de part et d’autre, deux voies bus-taxis de 3,20 m roulant à gauche en site propre ; deux voies de circulation automobile de 3,50 m sur une seule file ; deux zones de stationnement et livraison de 1,80 m ; trottoirs de 4 m côté XVIIIe, de 3 m côté IXe. C’est ce qui sera réalisé.

Le remplacement des platanes malades par des tulipiers ou des arbres à fleurs moins dévoreurs d’espace est annoncé. On aura de ces micocouliers chers à Mireille Mathieu, eux aussi réputés indestructibles.

Le réaménagement du boulevard de Rochechouart en 1995 : suppression des contre-allées, nouvelles plantations, éclairage modernisé, préfigure le réaménagement du boulevard de Clichy. Des travaux complémentaires sont livrés début 2005.

 

Ça avance…  doucement !

Le coup semblait bien parti avec l’ouverture au public d’un premier tronçon en mai 2003 après six mois de travaux. On découvre un sol clair très salissant, des plantes supportant mal l’été. Après six mois de réflexion, les travaux reprennent, le terre-plein central est finalement  livré par tranches successives jusqu’en avril 2005.

Impatients, nous titrons dans le Bulletin n°14-15  (3) « Ça avance… doucement ».

Les travaux de réhabilitation de la place de Clichy – premières réunions publiques de concertation fin 2003, livraison septembre 2009 – puis de l’avenue de Clichy de la place à La Fourche nous enseigneront la patience…

Le boulevard rénové, c’est vraiment mieux ! C’est notre commentaire en juin 2010 (4). Nous ajoutons « et pourtant »… 

Certes, la circulation automobile fonctionne plutôt bien sur les chaussées nord et sud alors que, pendant la phase de concertation, des esprits chagrins avaient prédit le pire : en 2002, on trouvait encore des partisans acharnés du « tout bagnole » ! 

Mais nous pointons des manques, des dysfonctionnements. « Le week-end, le boulevard est sale : canettes, bouteilles cassées, papiers gras, emballages de fast-foods ». Et nous dénonçons « des équipements mal conçus ne résistant pas à l’usage comme les barres métalliques basses qui entourent les plates-bandes, affaissées et cassées, ou les grilles en mailles métalliques installées au bord des chaussés » et encore « le stationnement sauvage des motos et scooters sur le mail, à proximité de parkings qui leur sont réservés » et enfin « la multiplication des baraques et tréteaux à proximité immédiate des bouches de métro proposant au chaland des souvenirs de Paris (sic) made in pays à main-d’œuvre bon marché ».

 

En  cet automne 2109, où en est on ?

Quinze ans après la rénovation de l’ensemble des boulevards Clichy-Rochechouart, l’état de ce mail est consternant. Les restrictions que nous faisions en 2010 sont plus que jamais évidentes !

De Clichy à Anvers, le boulevard est fréquenté jour et nuit par Parisiens et touristes. On a honte de ce qu’ils peuvent découvrir. La surfréquentation, surtout le comportement de certains usagers, ont leur part dans la dégradation des lieux. Nous y reviendrons.

Le végétal est particulièrement dégradé. Certes, les arbres plantés en 2014 ont grandi mais où sont les plates-bandes fleuries annoncées ? Ces plates-bandes, assez profondes pour que fleurs et arbustes puissent s’épanouir, avaient été entourées de bordures plates en granit surmontées de barres plates en métal. Assez vite, ces barres, sous calibrées, plient sous le poids des usagers. Elles n’étaient pas prévues pour qu’on s’y pose, mais y avait-il quelqu’un sur le terrain pour le déconseiller ? On a fini par les retirer. De ce fait, le granit a été encore plus fragilisé et de nombreuses plaques, descellées, ont disparu ou sont éparpillées sur le sol. Au pied des arbustes, la terre a pauvre mine, il s’est trouvé pourtant des gens pour en voler… Par endroits, elle est creusée : des riverains affirment que c’est là que des dealers planquent leurs produits.

Entre des amas de canettes et de bouteilles, retirées régulièrement, pas assez souvent, pourtant, çà et là des cendres de feu de bois façon boy-scout. Qu’on puisse allumer des feux de bois dans les plates-bandes du boulevard, peut-être pour y griller des saucisses, cela témoigne du sérieux de la surveillance ! Au fait, quel est le service chargé de cette surveillance, et à qui rend-il des comptes ?

C’est entre Place Clichy et Blanche que la dégradation, le laisser-aller sont les plus visibles et c’est là aussi qu’il y a le plus d’attroupements de personnes alcoolisées. On a ici un double problème, d’entretien et de surveillance.

Défaut d’entretien du mobilier urbain. Depuis quarante ans, on connaît la théorie du carreau cassé qu’il faut réparer au plus tôt de crainte que tous les carreaux ne soient cassés. Ces plaques de granit, c’est dès qu’elles ont été descellées qu’il aurait fallu intervenir. Il existe un cercle vicieux de la dégradation. 

C’est peut-être parce que les bordures sont en triste état que des gens s’autorisent à balancer leurs canettes. Mais ces matériaux n’étaient pas adaptés à un lieu qu’on savait très fréquenté, de ces lieux du Paris où on s’amuse.

Défaut d’entretien quotidien. Cela relève des services de la propreté. Mais, chantait Mistinguett « çà, c’est  Paris… » On nous dit qu’il n’y a plus de conflit entre la direction de la propreté et celle des espaces verts pour savoir qui nettoie les plates-bandes. Dont acte. On nous dit aussi que les services de la propreté interviennent quotidiennement. Force est de constater qu’ils n’interviennent pas assez fréquemment. 

La ville a bien installé de grandes poubelles caparaçonnées de planches : à leur pied, des dizaines de bouteilles… Un container à vêtements usagés, incongru en ce lieu, déborde de bouteilles. Bouteilles, bouteilles… De nouvelles corbeilles ont été installées récemment, elles sont déjà taguées. 

Ce mobilier urbain est systématiquement recouvert d’affiches bariolées annonçant des concerts (notre photo). Cela vaut surtout vers Pigalle et Anvers, jusqu’aux plots bordant les trottoirs, systématiquement encapuchonnés. Pas sûr que cette privatisation de fait soit tout à fait légale. Mais « Paris aime la fête ! »

Défaut de surveillance aussi. Presque tous les jours, et pas seulement l’été et les jours de match, des groupes stationnent sur le mail comptant jusqu’à quatre-vingt individus, chacun consommant bière, vin et alcools forts en grande quantité.

Ces bouteilles que l’on retrouve au sol et dans les plates-bandes, ou brisées jusque sur les pistes cyclables. Et puis ça fait pisser… 

Les toilettes Decaux sont totalement insuffisantes. Leur fonctionnement est beaucoup trop lent à cause du temps nécessaire au nettoyage automatique. L’uritrottoir installé à proximité immédiate du monument à Charles Fourier relève-t-il du gag, de la provocation ou de l’incompétence ? C’est une curiosité beaucoup photographiée par les touristes. Le problème demeure. Il a été récemment enlevé. Rejoindra-t-il le Musée d’Art Moderne ?

Et puis la boisson monte à la tête. Des riverains nous confient que des femmes font des détours, évitant le mail du boulevard pour ne pas être importunées.

 

Un espoir d’amélioration ?

Le 8 juillet 2019, le préfet de police a édicté un décret élargissant le décret du 11 mars 2015 réglementant la consommation d’alcool sur la voie publique dans le secteur de la place de Clichy à certaines voies des VIIIe, IXe, XVIIe et XVIIIe arrondissements. Le préfet de police précise le 12 juillet 2019 dans une lettre à la maire du IXe : « Cet arrêté ne prévoyait pas l’interdiction de vente à emporter de boissons alcooliques. Or le directeur territorial de la sécurité de proximité de Paris a signalé récemment des troubles récurrents à l’ordre public et des nuisances dans ce secteur liés à la vente à emporter de boissons alcooliques sur la voie publique. De ce fait, j’ai souhaité élargir le périmètre de cet arrêté (…) Comme vous l’avez demandé, le nouveau secteur délimité intègre également le triangle formé par les places de Clichy, d’Estienne d’Orves et Blanche. J’ai également ajouté l’interdiction de vente à emporter de boissons alcooliques. »

Nous comprenons que, depuis ce décret, notamment dans ce secteur du boulevard de Clichy, la vente d’alcool à emporter est interdite de 21 heures à 7 heures, horaire défini par le décret du 11 mars 2015. Reste à  faire appliquer ce décret sur le terrain. Cela  relève de la police nationale et de la DPSP. 

On conçoit qu’il ne soit pas facile de verbaliser un groupe de quatre-vingt buveurs. Il est certainement moins difficile d’intervenir auprès des magasins vendant de l’alcool. Les magasins appartenant à de grands groupes ont immédiatement appliqué l’arrêté préfectoral : à 21 heures, des bâches recouvrent les rayons vins et alcool. Mais les nombreuses épiceries qui ont fleuri, une dizaine sur le boulevard de Clichy, certaines annonçant « ouvert jour et nuit », travaillent surtout la nuit. On peut penser que l’essentiel de leur chiffre d’affaires est réalisé par la vente nocturne de boissons alcooliques.

C’est le rôle des différents services de la République de faire respecter cet arrêté. Peut-être trouvera-t-on alors moins de bouteilles cassées dans l’espace public. Ce serait aussi une mesure symbolique qui romprait avec ce sentiment, une réalité, qu’il existe des zones où lois et règlements peuvent ne pas être appliqués.

 

Etalages : la loi bafouée !

Ainsi du règlement municipal régissant le droit d’étalage. Pendant des décennies, les trottoirs des boulevards de Clichy et Rochechouart ont été envahis par des étalages de tout et de n’importe quoi. On assistait à une privatisation de fait de l’espace public.

En 2016, la mairie du XVIIIe décide de supprimer tout étalage sur ces boulevards, à l’exemple de la décision prise en 2013 pour l’avenue de Clichy, entre la place et La Fourche, interdiction ne concernant pas les terrasses de cafés et restaurants respectant la réglementation en vigueur. 

Heureuse surprise, la plupart des commerces respectent cette décision. On peut voir dans le secteur d’Anvers des magasins qui, pendant des décennies, avaient étalé sur des trottoirs très étroits des cartons débordant de marchandises, rentrer cette marchandise et en profiter pour refaire une jolie façade commerciale en harmonie avec les immeubles voisins (voir en page 9).

Mais il est une catégorie de commerces qui ne se sent nullement concernée par une décision qui, après tout, n’est édictée que par les élus municipaux… Il s’agit de ceux qui se nomment un peu vite « Souvenirs de Paris » (notre photo).

Nous en avons compté sept sur le boulevard de Clichy (y compris sur la place de Clichy) et cinq sur le boulevard Rochechouart. Douze commerces sur les 1 600 m de ces deux  boulevards ! Il en est d’autres encore dans les rues voisines mais là, les étalages ne sont pas interdits. 

Tous proposent le même assortiment de tours Eiffel, de bonnets, écharpes, tout cela importé de pays à bas coût de main d’œuvre. 

Souvenirs de Paris ? Paris vaut mieux sans doute. 

Ce comportement devrait  interpeller les élus qui ont voté ce texte !

On est en droit de s’interroger sur la réaction ou le manque de réaction des services municipaux. Ils ont pourtant à leur disposition un arsenal de sanctions financières et administratives.

Philippe Limousin

 

(1) Bulletin déCLIC 17/18 n°11 automne 2001

(2) Bulletin déCLIC 17/18 n°12 été 2002

(3) Bulletin déCLIC 17/18 n°14-15  été-automne 2004

(4) Bulletin déCLIC 17/18 n°21 printemps 2010.  

 

DES PAROLES AUX ACTES

A l’occasion des élections municipales de mars 2014, CLIC 17/18 avait adressé un questionnaire aux représentants des listes en présence dans les XVIIe et XVIIIe arrondissements, les unes concernant Paris en général, les autres ces deux arrondissements. (1) Une de nos questions portait sur les boulevards de Clichy-Rochechouart.

«  Vous engagez vous ?

- à faire le bilan des terre-pleins Clichy-Rochechouart dégradés et à assurer un entretien quotidien ? Des millions de touristes y passent : quelle image de Paris !

- à contrôler les étals démontables, stands, échoppes qui occupent l’espace public, parfois sans autorisation, le plus souvent pour proposer des objets ou « souvenirs » de médiocre qualité made in « pays à très bas salaires » (…). La ville doit proposer à ses visiteurs des produits locaux (via un label ?) » 

Réponse d’Eric Lejoindre, majorité municipale 

« Un bilan ce cet aménagement pourrait être envisagé : l’aménagement en tant que tel, la piste cyclable et son fonctionnement (…), la propreté sur l’ensemble de l’axe et les pistes de réflexion pour améliorer son attractivité et son embellissement compte tenu que c’est très souvent sur cet axe que débouchent les millions de touristes qui montent ensuite à Montmartre.

La ville de Paris souhaite inscrire le « Fait à Paris » comme un label et il serait logique que les produits en vente sur les places autorisées par la Ville fassent la promotion de ces produits. Nous demandons que ce principe soit inscrit dans les nouvelles conventions signées avec les petits marchands sur la voie publique. Les marchands non autorisés ne sont pas tolérés et leur présence sur l’espace public est une infraction qui doit être sanctionnée. »

Réponse de Pierre-Yves Bournazel UMP, UDI, Modem et citoyens indépendants

« Le terre-plein central est emprunté par des millions de touristes et habitants chaque année. Il doit être entretenu afin de présenter la meilleure image possible de notre ville. Je propose un renforcement des amendes pour toutes les personnes et entreprises qui détériorent l’environnement ou le pavé parisien.

Je propose la création d’un label Montmartre qui protégera les artistes et les commerçants qui favorisent la création montmartroise. Les onze millions de touristes qui viennent chaque année (…) doivent savoir ce qui est créé à Montmartre et ce qui ne l’est pas (…). »

Selon la formule consacrée, nos lecteurs apprécieront.

(1) Retrouvez nos questions et leurs réponses 2014 sur le site declic1718.org  +  Nos Dossiers

Date de publication : 
17 décembre 2019