Les travaux du square Burq, menés sans aucune concertation préalable avec les usagers, ont fait beaucoup de mécontents parmi les familles utilisatrices et les riverains du jardin. Il aura fallu deux réunions publiques et une pétition signée par plusieurs centaines de personnes pour que l’on étudie des options alternatives, ce qui promet d’être long. Un vaste gâchis !
« C’était un petit jardin
Qui sentait bon le métropolitain
Qui sentait bon le bassin parisien… »
On se rappelle peut-être la chanson de Jacques Dutronc en 1972.
L’histoire finit mal quand
« Passa un homme qui, au revers de son veston,
Portait une fleur de béton. »
Car c’était vraiment un beau petit jardin que ce jardin de 1 800 m2 ouvert en 1985, bien au calme tout en haut de la rue Burq qui finit en impasse. Au flanc de la butte Montmartre, il s’élève par degrés, adossé aux bâtiments construits à l’emplacement du Bateau-lavoir.
Une entrée un peu exiguë où des adolescents tapaient dans un ballon sur un sol un peu poussiéreux, un doux cheminement d’escaliers conduisant à un plateau plus vaste avec un grand bac à sable pour les tout-petits, un toboggan et des jeux à grimper pour les plus grands, quelques bancs pour les parents et les lecteurs.
A l’écart de la circulation automobile, peu de bruit sinon les chants des oiseaux et les cris des enfants, ce qui n’est pas du bruit. Ce jardin avait tout pour plaire, avec un public varié selon les heures et les saisons : après la sieste des petits enfants, à la sortie des écoles ou pour toute la famille les jours fériés.
Canettes de bière et cartons à pizzas
Quand, l’automne dernier, le square fut fermé plusieurs mois, on s’interrogeait : pour quelles transformations ? Début janvier, visite un mardi vers 15 heures. Un bon point : dans la partie basse du jardin, la terre est remplacée par un sable compact, on pourra jouer au ballon sans lever la poussière !
Las, dans la partie haute, si le bac à sable est resté intact, le portique-toboggan est remplacé par une de ces cages grillagées où une dizaine de personnes peuvent jouer au football. La DEV (Direction des espaces verts) nomme cela du beau nom de « city-stade ».
De fait, ce jour de semaine vers 15 heures, une dizaine de footeux occupent les lieux, grands ados et jeunes hommes. Espérant peut-être améliorer leur jeu, ces grands sportifs tirent consciencieusement sur leur joint, à moins qu’ils ne se le roulent.
A part eux, personne d’autre que les deux témoins de la scène, comme si ces sportifs fumeux avaient fait le vide… Ils ont aussi vidé canettes et cartons à pizzas qui jonchent le sol.
Nouvelle visite-test début mars, période de vacances scolaires : à 15 heures, une dizaine d’adolescents à proximité immédiate de la cage à foot, bien gentils. Pas une fille et personne d’autre dans ce jardin ainsi transformé.
Comme une impression de gâchis. Début mai, la mairie d’arrondissement nous déclare que si la DEV a installé cette « cage à foot », c’est parce qu’il y a un manque flagrant de jeux pour cette tranche d’âge et dans le but de faire face à une montée de la délinquance juvénile dans le quartier : on peut dire que ce n’est pas une franche réussite ! Et d’ajouter : « Il faut que chacun trouve sa place ». Certes. Mais fallait-il pour cela évincer les premiers occupants, les enfants et pré-adolescents ?
Des signatures par centaines
C’est aussi le sentiment de très nombreux usagers de ce jardin, qui, dans une pétition largement signée, constatent que « ce parc n’aime pas le filles », privilégiant un équipement de fait réservé aux seuls garçons.
Et déplorent cette transformation réalisée sans aucune concertation ni avec la population ni avec les parents d’élèves des quatre écoles alentour et du centre de loisirs Jean-Baptiste Clément.
Quelle mouche a piqué l’administration municipale et qui a pris cette funeste – et coûteuse – décision ? La mairie d’arrondissement ? La Direction des espaces verts de la mairie de Paris ?
Face à ce tollé, la mairie d’arrondissement organise une réunion publique le 23 janvier. Le préau de l’école de la rue Lepic fait le plein. Une soixantaine de riverains sont présents, en majorité des familles utilisatrices des équipements pour enfants. Le ton monte rapidement alors que la Direction des Espaces verts tente de justifier son choix - dans ce secteur, il n’y a pas assez d’offre sportive pour les adolescents – à travers un power-point (forcément…). Des explications et justifications qui ne calment pas la fureur du public : les personnes présentes ne cessent de réclamer le retour aux équipements précédents.
La justification continue : quant aux plus jeunes, ils peuvent toujours utiliser toboggans et agrès des jardins de la « face nord de Montmartre » Junot, Turlure. Les parents font valoir que ces squares sont déjà saturés et trop loin pour les petites jambes. Parmi les suggestions qu’ils soufflent aux services de la DEV : pour les footeux, la mairie peut sans doute trouver un terrain moins enclavé, le trajet les mettra en jambes. Et s’installer dans un secteur où le bruit des ballons et les impacts sur le grillage ne perturbera pas la tranquillité des appartements mitoyens (le bd Rochechouart est même cité).
Les représentants de la mairie font leur mea culpa et promettent une nouvelle réunion de concertation dans les deux mois. Après cette réunion houleuse, dans un courriel adressé aux participants, la mairie affirme avoir « entendu les fortes attentes pour retrouver un square de quartier apaisé » et « travaille à plusieurs options pour l’avenir du city-stade ».
Interrogé par déclic 17/18, le 7 mars, le cabinet du maire reconnaît : « On a raté les choses et pris la mesure des souffrances. On va vers le démantèlement du city stade et la réinstallation des jeux pour enfants. »
En attendant (quoi et jusqu’à quand ?), et pour éviter les intrusions nocturnes et rendre moins facile la consommation, et par là-même la vente, de cannabis, le renforcement des rondes de la DPSP et de la police nationale a été demandé…
Coup de théâtre en réunion publique
Comme la mairie l’avait annoncé en janvier, une deuxième réunion publique est organisée le 27 mars, toujours dans les locaux de l’école de la rue Lepic. En présence là aussi d’une soixantaine de personnes.
Ayant constaté les nuisances pour les habitants du voisinage et la gêne occasionnée aux parents de tout jeunes enfants, les représentants de la municipalité annoncent qu’ils étudient le prochain démontage de la cage à foot pour sa réinstallation dans un nouveau lieu à proximité, moins enclavé et dans une zone où les nuisances sonores seront plus acceptables pour les riverains.
Et le retour d’un espace de jeux adapté aux tout petits.
C’est sans compter avec la présence d’un ancien joueur de foot professionnel Vikash Dhorasso qui a apparemment fait du maintien de cette installation un de ses chevaux de bataille. On l’avait connu mieux inspiré dans ses prises de position publiques. La discussion entre lui et une partie des futurs utilisateurs tourne rapidement à l’affrontement stérile, laissant la municipalité avec plus de questions que de réponses. Depuis, l’ensemble des acteurs restent mobilisés – les pour et les contre – dans l’attente d’une décision que l’on pressent renvoyée aux calendes grecques.
Selon un dernier contact pris début mai, le démontage de la cage à foot n’est plus une option incontournable compte tenu du prix du démontage et de du retour à l’état initial. D’autant plus que le lieu idéal de réinstallation n’a pas encore été trouvé… La mairie veut d’abord évaluer les mesures prises pour parvenir à un apaisement avec l’organisation d’activités autour de la cage (sic) et une intensification de la surveillance et des contrôles.
Retour à la case départ ?
En attendant, pour limiter les nuisances (les dégâts?), la cage à foot sera équipée d’une solide serrure pour empêcher l’usage nocturne lors d’intrusions dans le jardin et recouverte d’un filet pour que le ballon ne se perde pas dans les propriétés voisines où, forcément, on va le rechercher.
Enfin, un club de prévention a été mandaté pour agir, et, confirmation, la police nationale et la DPSP doivent renforcer la surveillance… Ces précautions n’étaient pas vraiment indispensables quand cet espace était dévolu aux toboggans et agrès.
La mairie avait oublié : la concertation, ça se fait avant des travaux.
Quant aux pratiques délictueuses, il est assez d’exemples, dans le XVIIIe et ailleurs, de jardins publics sinistrés par l’usage et le commerce du shit pour que, au fond d’un jardin situé tout au bout d’une rue en impasse, on n’aille pas offrir semblable terrain d’aventure aux usagers et revendeurs, excluant de fait les plus jeunes qui, pour leur quatre-heures, se shootent aux petits-beurres et à la confipote. Choisis ton camp…
Inconscience, ignorance, angélisme, irresponsabilité ?
Et maintenant ? Entre deux rondes de police annoncées, attendre ?
Attendre que la mairie reconnaisse que, faute de concertation préalable, elle a fait une erreur, que, soucieuse de l’intérêt des enfants, et de l’ordre public, elle va réinstaller les équipements qu’elle a fait retirer ?
Même si on réussit à obtenir le démontage du « city-stade » et un retour aux équipements pour les enfants et préadolescents, quel gâchis humain et financier qu’une concertation en amont aurait permis d’éviter.
Vous avez dit démocratie participative ?